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Présidentielles : la data, un enjeu politique de taille

mars 2022 par Fabrice Haccoun, Directeur Général France en charge du Développement & des Opérations chez Keyrus

Les observateurs avisés ne s’y seront pas trompés : depuis le début de la campagne présidentielle, l’absence totale de débats autour du digital en général et du sujet de la data en particulier en France a de quoi inquiéter. Alors que nous évoluons dans un monde où les grandes organisations publiques comme privées ont besoin de transformer leurs modèles pour répondre aux nouveaux enjeux économiques, environnementaux et sociétaux, exploiter et valoriser efficacement la donnée se révèle pourtant éminemment stratégique. C’est même un des piliers de notre souveraineté. Il ne suffit pas de se déclarer Start-up Nation, de créer des labels ou de s’enorgueillir de quelques pépites technologiques dites licornes pour faire de la France une nation d’avenir.

Une révolution industrielle mondiale et intangible

Nous avons entamé une révolution industrielle intangible : celle de la donnée, qui s’inscrit au cœur de la transformation des modèles économiques et sociétaux, partout dans le monde. Pour générer du business additionnel, réduire les coûts, améliorer les processus, mais aussi lutter contre la fraude et le terrorisme, la maîtrise de la data est incontournable. Facile donc de comprendre à quel point sa valorisation est stratégique. Tout doit être fait désormais pour que nos organisations et institutions soient en capacité d’exploiter la puissance du numérique.
Dès lors, la question de la souveraineté se pose. Comment peut-on imaginer en 2022 laisser un élément aussi crucial pour la vie économique et celle des gens en général, être géré par des acteurs extra-européens ? Lorsque l’on apprend que la DGSI fait appel à des systèmes analytiques américains pour la gestion de ses données, on saisit à quel point le sujet est mal maîtrisé et ce, au plus haut niveau.

Cassons les silos

Certes, nous disposons d’un ministère du numérique, mais celui-ci agit en silo, décorrélé des autres alors que son influence devrait irriguer l’ensemble des décisions publiques. Prenons l’exemple de l’enseignement. Alors même que la science algorithmique devient prépondérante, nous ne pouvons que constater une véritable régression du niveau des élèves en mathématiques. Si demain, nous n’avons plus personne pour programmer des algorithmes, la France se retrouvera déclassée dans un domaine pourtant essentiel et, surtout, dépendante de puissances étrangères. La menace est sérieuse. La réflexion ce week-end du premier ministre sur la possibilité de réintégrer les mathématiques dans le socle commun des enseignements de première et de terminale semble donc pour le moins judicieuse ! C’est même un peu tard car en la matière, il faut « modeler » les esprits dès le plus jeune âge.

D’autant que nous avons tous les potentiels en France : les meilleures écoles d’ingénieurs, les plus belles formations. Là aussi, il faut améliorer les choses et notamment les conditions d’échanges entre universités et monde économique, afin de fournir au marché les forces vives, opérationnelles, dont nos entreprises ont tant besoin.

Libérons l’innovation dans notre pays !

En parallèle, il est impératif de créer un environnement favorable à l’innovation pour aider nos entreprises à se battre à armes égales contre leurs concurrentes étrangères. Nos meilleurs ingénieurs et concepteurs doivent avoir envie d’entreprendre en France. Combien de Snowflake et de Shopmium, deux entreprises du numériques florissantes créées par des Français et qui se développent aujourd’hui sous pavillon américain, devrons-nous encore « déplorer » avant de réagir ? Et balayons d’un trait cet argument qui voudrait qu’en tant que superpuissance, les États-Unis aient plus de moyens que la France pour soutenir l’innovation. Israël, jeune pays qui compte 7 millions d’habitants, a aujourd’hui 140 entreprises cotées au Nasdaq, quand notre pays en compte seulement 3 !

De la même façon, parce que nous sommes un pays jacobin et centralisateur, l’administration a tendance à fermer ses portes aux PME et ETI françaises innovantes. Il est temps d’intervenir pour lutter contre ce phénomène qui instaure un système déloyal et une distorsion de la concurrence. Nous devons desserrer le carcan administratif et idéologique pour libérer les énergies. Cela signifie aussi, confier la responsabilité politique des sujets data à ceux qui maîtrisent véritablement les tenants et aboutissants. Le numérique, c’est 500 000 emplois créés chaque année en France et 8 % de croissance ! Alors qu’attendons-nous ?

Comme nous l’avons fait avec le nucléaire pour acquérir l’indépendance énergétique dans les années 70, lançons dès à présent un grand plan du numérique. Soyons clairs, tous les domaines sont concernés. Il n’y aura, par exemple, pas de révolution écologique ni d’amélioration de la prise en charge hospitalière sans la donnée. Si nous voulons progresser, il va clairement falloir prendre les choses en main et mettre les moyens au bon endroit et ça commence par une prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat. Alors, oui, il y a de quoi être inquiet de l’absence total de ce sujet dans la campagne des présidentielles car pendant que nos candidats tergiversent, comme au temps de l’empire Byzantin, au sujet du sexe des anges, des compagnies mondiale brevètent le vivant et s’arrogent un droit sur le traitement de nos données avec le pouvoir incommensurable et inquiétant que cela leur octroie sur nos vies.


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