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Les Archives nationales accueillent l’exposition « Le secret de l’État. Surveiller, protéger, informer. »

novembre 2015 par Emmanuelle Lamandé

L’exposition « Le secret de l’État. Surveiller, protéger, informer. », inaugurée le 3 novembre dernier aux Archives nationales - site de Paris, retrace la construction du Secret d’État à travers l’histoire, de la fin de l’Ancien Régime au 21ème siècle. Au fil de cette exposition, le visiteur pourra y découvrir l’histoire des différentes organisations, des lieux du pouvoir et des techniques singulières du renseignement. Grâce à des témoignages sonores et audiovisuels inédits, des documents secrets et une galerie de machines mystérieuses, il pourra également mieux comprendre l’intérêt primordial de l’État pour la défense et la surveillance de son territoire, ainsi que l’espionnage en dehors de ses frontières.

Certains secrets ont toujours dû être préservés dans un cercle réduit à travers les siècles. Souvent l’objet de Hautes Instances souveraines ou étatiques, ce secret a aussi fait l’objet de nombreux fantasmes et caricatures au fil de l’histoire. Entre l’imaginaire et la réalité, les actions de l’État et des services de renseignement, les révélations et caricatures de la presse, ou encore les rumeurs attisées par les organisations secrètes elles-mêmes, il reste souvent difficile de déterminer où se situe la vérité. Cette exposition lève le voile sur cette part de mystère et révèle comment ce secret de l’État s’est transformé au cours du temps.

Le secret de l’État évoque d’abord l’espace immatériel et physique construit progressivement par l’État depuis l’Ancien Régime. C’est dans des espaces spécifiques et grâce à l’action d’une administration experte qu’à l’abri des regards, l’État a pu informer, surveiller, renseigner sur le territoire national et au-delà de ses frontières, à travers les régimes successifs. La naissance et l’essor de ces services du secret s’appuient sur la volonté de protéger l’information concernant les actions de l’État et de ses agents secrets, tant en politique intérieure qu’en politique extérieure.

Renseignement : des agents « spéciaux » au service de l’État

Ce sont les diplomates qui ont été les premiers agents de renseignement extérieur. En 1716, dans le traité de négociation de François de Caillères, on peut lire que l’ambassadeur est un « honorable espion ». Malgré des moyens d’information encore limités à cette époque, la fréquentation des cours étrangères par les ambassadeurs en font des acteurs de choix pour le renseignement. Le Roi de France (Louis XV, puis Louis XVI) dispose également, durant cette période, d’un moyen parallèle d’information : le « secret du roi », un réseau dévolu au renseignement qui double l’activité des diplomates.

Au 19ème siècle, ce sont les polices qui développent en France les pratiques de surveillance et de protection intérieure. Mais c’est à la fin du 19ème siècle qu’apparaît l’organisation actuelle des services de renseignement, avec d’une part une police de renseignement orientée vers la surveillance de l’opinion et le contre-espionnage et, d’autre part, des services de renseignement militaires chargés de l’espionnage en territoire étranger. Le renseignement extérieur devient ainsi l’affaire exclusive des militaires, et le Dépôt de la guerre, ainsi que le Dépôt de la marine deviennent les centres de conservation du renseignement militaire. Très rapidement, les services de renseignement utiliseront les évolutions technologiques et les nouveaux outils issus des progrès techniques à leur avantage, pour devenir dépendants des technologies de l’information à la fin du 20ème siècle. Les scientifiques ont également joué un rôle clé dans le développement du renseignement et de ses techniques.

Outre les acteurs qui y contribuent, le secret de l’État ne serait guère possible sans lieux dédiés, comme le cabinet secret de Napoléon ou le salon doré du palais de l’Élysée par exemple. Ces bâtiments, hautement sécurisés, sont à la fois le sanctuaire du partage des secrets, mais aussi de stockage des documents confidentiels. En effet, le chef de l’État ne peut pas toujours être « seul » à savoir, et doit pouvoir échanger et se confier en toute discrétion avec son « Cercle du secret ». Les services de renseignement sont placés au plus près du chef de l’État, de par leur importance stratégique et le niveau de confiance exigé. Toutefois, au-delà de cette haute sphère gouvernementale, les secrets sont bien difficiles à garder.

Un droit pour le secret de l’État

Le secret de l’État ne passe pas uniquement par des dispositifs techniques et humains, mais aussi par des codes, des normes, des instructions, des règlements et des législations. En effet, pour répondre à sa préoccupation de protection de l’information, du secret et de la confidentialité, l’État a très rapidement compris l’intérêt de développer un arsenal juridique en la matière. La notion de « sûreté de l’État » à partir de 1810, puis le respect des « intérêts fondamentaux de la nation » à compter de 1994 ont été le socle du droit pénal protégeant le « secret de l’État ». Ce socle est également complété par des Lois réprimant l’espionnage, dont les services de contre-espionnage assurent la bonne application. Ces différentes législations déterminent, en outre, les conditions et délais de communicabilité de certains documents, dont la tenue du secret peut être levée lorsqu’ils ne nuisent plus aux intérêts de l’État. Les tampons réglementaires de classification, coffres, scellés… expriment clairement l’interdiction et la mise au secret. Durant cette conservation, dont la durée peut s’avérer extrêmement longue, notamment en matière de « secret d’État », les archives tiennent une place majeure.

Toutes époques confondues, les services de renseignement ont apposé une symbolique propre sur leurs documents sensibles. Ils ont, de plus, été « contraints » par nécessité de créer des identités fictives et de bâtir des légendes de papier… de véritables faussaires !

Abus, dénonciations et contestations

On ne peut pas parler de secret d’État sans parler d’abus, souvent dénoncés et contestés au fil des siècles, par la presse notamment. Certaines affaires (Dreyfus, Greenpeace, WikiLeaks…) ont largement alimenté le débat sur la protection du secret, la légitimité de celui-ci et les potentielles dérives. Les écoutes et activités suspectes, les viols de correspondance, les manipulations à des fins politiques… sont effectivement des cas récurrents dans notre histoire, et leur révélation entraîne bien souvent polémiques et contestations. Celles-ci ont d’ailleurs été parfois à l’origine de mutations juridiques, participant à terme au renforcement de la démocratie libérale. Le numérique et les évolutions technologiques favorisent aujourd’hui de plus en plus ce type de « fuites » et de divulgations.

Pas de secret de l’État sans écritures secrètes

Le secret a, en outre, son langage et ses techniques de dissimulation. Les acteurs du Chiffre ont, en ce sens, joué, et jouent encore, un rôle prépondérant dans ce cercle étroit de la confiance. Les techniques de chiffrement se sont largement développées au fil du temps. Les services de renseignement ont ainsi peu à peu abandonné les boîtes, cylindres et tables à chiffrer, pour entrer dans une ère du chiffrement beaucoup plus moderne et technologique. L’électricité au 19ème siècle, puis l’informatique, l’électronique et l’optique au 20ème siècle, qui sont les ressorts de la société de l’information, ont démultiplié les volumes et les vitesses de calcul, dimension essentielle du chiffrement et du déchiffrement.

Aujourd’hui, les batailles secrètes du renseignement sont en grande partie liées à la capacité de protéger l’information et d’accéder à celle que l’ennemi, l’adversaire ou le partenaire ont protégée. Les avancées technologiques en la matière se trouvent donc aujourd’hui au cœur de la garantie du « secret de l’État » et font l’objet d’une course effrénée entre acteurs concernés.

Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la méthode utilisée, un « secret » attirera toujours la convoitise, des uns et des autres, des alliés comme des ennemis, des proches comme des étrangers. Enfin, peut-on vraiment parler de « secret », à partir du moment où il est partagé, même au sein de son propre cercle de confiance ?…

Parmi les nombreux trésors que l’on peut observer au fil cette exposition sur le Secret de l’État, on retrouve par exemple :

 Le « Rainbow Portrait » ou « Portrait arc-en-ciel » d’Élisabeth Ière, reine d’Angleterre, vers 1600. Sa tenue présente de nombreux symboles brodés, dont des yeux et des oreilles sur le manteau.

 Une machine Enigma (le premier calculateur électronique de l’histoire), utilisée par l’armée allemande et reconstituée par Gustave Bertrand, grâce à la documentation fournie par sa source allemande en 1939. Elle est exposée aux côtés d’une autre Enigma saisie par des agents de la DGSS (ancêtre de la DGSE) dans des locaux parisiens de la Kriegsmarine (DGSE).

 Une boîte à chiffrer et déchiffrer datant du règne d’Henri II (1557). Cette machine est composée sous la forme d’un livre à l’emblématique ; sa première page est constituée de 24 cadrans répartis sur quatre colonnes (musée d’Écouen).

 Un large éventail d’objets d’écoute et de copie de documents utilisés par les espions, telle une valise de la direction de la surveillance du territoire (DGSI) dont le système photographique permettait de reproduire des documents officiels dans les années 1980 (DGSI).

 « Le Redoutable » : l’intérieur du PC du sous-marin « Le Redoutable », incarnation de la dissuasion nucléaire, est révélé grâce à une immersion visuelle. Ce sous-marin nucléaire, mis à l’eau le 29 mars 1967 en présence du Général de Gaulle, représente un symbole majeur du secret français.


Vous pourrez découvrir cette exposition sur « Le secret de l’État. Surveiller, protéger, informer » dans les salons de l’hôtel de Soubise - Archives nationales - site de Paris - jusqu’au au 28 février 2016.


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